10 juillet 1976 – La France devient le premier pays à reconnaître juridiquement la sensibilité des animaux

1975 – 1999, Droit, France

Suite à l’action décisive de la députée des Yvelines Jacqueline Thôme-Patenôtre, la sensibilité des animaux est reconnue dans le droit français par la Loi sur la protection de la nature du 10 juillet 1976. Ce socle juridique préfigure « ce qui pourrait donner naissance à un véritable droit de l’animal » et a depuis été intégré au Code rural en 2000 et au Code civil en 2015.

Présentation

En 1972, Jacqueline Thôme-Patenôtre, maire de Rambouillet, députée des Yvelines et Présidente de la SPA, dépose un ensemble de propositions de loi en faveur de la protection des animaux [1]. Cette « Charte de l’animal » avant-gardiste fut rejetée, mais ces propositions avaient ouvert la voie.

Le 10 juillet 1976, la Loi sur la protection de la nature est promulguée [2]. Il s’agit d’un texte fondateur de 43 articles qui pose le principe que la protection de la nature est d’intérêt général. La loi précise ou crée des outils de conservation des espèces et des milieux (listes d’espèces animales et végétales sauvages protégées [3], création des réserves naturelles et des parcs nationaux, etc.), reconnaît aux associations un rôle déterminant en matière de protection de la nature et confère un statut juridique à l’animal. La France devient le premier pays au monde à reconnaître la sensibilité des animaux dans son arsenal juridique.

En effet, en tête du chapitre 2 dédié à la protection de l’animal, il a été ajouté (contre l’avis du Sénat) un article issu de la proposition de loi initialement déposée par Jacqueline Thome-Patenôtre qui préfigure « ce qui pourrait donner naissance à un véritable droit de l’animal » [4]. C’est une rupture majeure, et les élevages intensifs, les conditions de détention des animaux de laboratoire, les cirques et les zoos, ou les élevages d’animaux à fourrure entrent alors en conflit avec ce texte.

Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce.

Loi n° 76-629 relative à la protection de la nature, Article 9, 1976

L’article 9 de la Loi du 10 juillet 1976 joue son rôle de socle juridique et, le 6 janvier 1999, le Code civil évolue à son tour : les animaux sont toujours considérés comme des biens mais ils ne sont plus assimilés à des choses [5].

Le 21 septembre 2000, l’article 9 intègre tel quel le Code rural et de la pêche maritime sous le code L214-1 [6] (c’est de cet article que l’association L214 éthique et animaux tire son nom [7]).

Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce.

Code rural et de la pêche maritime, Article L214-1, 2000

Le 10 mai 2005, Suzanne Antoine (Présidente de Chambre honoraire à la cour d’appel de Paris) et membre de la Ligue française des droits de l’animal (LFDA) remet au ministre de la Justice son Rapport sur le régime juridique de l’animal [8]. Il montre le rôle moteur qu’ont eu l’Union européenne et le Conseil de l’Europe dans l’élaboration de textes protégeant les animaux [9] et propose d’améliorer la cohérence entre les différents Codes de lois françaises en sortant l’animal de la catégorie des biens, « conformément à sa véritable nature d’être sensible qui doit prévaloir sur son aspect de valeur marchande« .

Le 16 février 2015, de nombreuses propositions de ce rapport sont finalement retenues et l’animal devient un « être doué de sensibilité » dans le Code civil [10]. L’animal reste cependant un « objet de droit » soumis au régime des biens, un objet que l’on peut posséder ou utiliser (l’abattage rituel, la corrida ou la chasse à courre ne sont donc pas remis en cause), mais sa sensibilité le place au-dessus des objets non vivants. Les animaux sauvages, pris en compte par le Code de l’environnement, ne sont pas concernés ici.

Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens.

Code civil, Livre II, article 515-14, 2015

Le 29 mars 2019, des universitaires juristes proclament la Déclaration sur la personnalité juridique de l’animal, dite « Déclaration de Toulon ». Prolongeant les implications de la Loi du 10 juillet 1976, elle pose qu’aux yeux du droit, « les animaux doivent être considérés de manière universelle comme des personnes et non des choses« , plus précisément comme « des personnes physiques non humaines« .

Malgré ces avancées, et à l’exception de certains animaux domestiques dont les intérêts sont partiellement pris en compte, la reconnaissance de la sensibilité des animaux par le droit français reste aujourd’hui largement symbolique.

Notes et références

Notes et références
1 Publi Sorbonne, Le bien-être et le droit, sous la direction de Marta Torre-Schaub, 2016, p. 133.
2 Loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, Chapitre II, Article 9, Version en vigueur du 13 juillet 1976 au 22 juin 2000.
3 Cette révolution législative sera toutefois freinée par la publication tardive des textes d’application. Les décrets sur les espèces protégées et les études d’impact ne seront publiés qu’à l’automne 1977 et la première liste d’espèces protégées le 17 avril 1981. France Nature Environnement, Loi sur la protection de la nature de 1976 : quarante ans de droit de la nature, 25 juillet 2016.
4 Isabel Boussard, Agriculture, environnement et protection de la nature : la loi de 1976, Ruralia, janvier 1997.
5 Loi n° 99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux.
6 Code rural, Partie législative (Articles L111-1 à L830-1), Livre II, Titre Ier, Chapitre IV, Article L214-1, Version en vigueur du 21 septembre 2000 au 08 mai 2010.
7 L214, À propos, Pourquoi L214 ?
8 République française, Vie publique, Rapport sur le régime juridique de l’animal, 10 mai 2005
9 Cahiers antispécistes, n°2, octobre 2005, Le rapport sur le régime juridique de l’animal de Suzanne Antoine, Estiva Reus.
10 Loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, Titre Ier : dispositions relatives au droit civil.