Jacques Louis Buttner (1876 – ?) était un médecin franco-américain et un militant en faveur du végétarisme. Peu d’informations sur sa vie nous sont parvenues, mais certains faits marquants sont bien documentés.
Étudiant brillant, il est classé premier à la fin de ses études de médecine à l’université de Yale en 1909 et il reçoit le prix Keese de la meilleure thèse [1]. Il exerce alors la médecine à New Haven (Connecticut) et, dans la lignée de Russell Chittenden et Irving Fisher, deux professeurs à Yale, il devient rapidement un représentant reconnu de la défense du végétarisme sur des bases scientifiques.
Le végétarisme vise désormais résolument à passer d’une idée sentimentale à une vérité scientifique.
Anonyme, journal of the American Medical Association, 6 mars 1915 [2]
J. L. Buttner est surtout connu pour son livre « A Fleshless Diet, Vegetarism as a Rational Dietetary » (Un régime sans chair, Le végétarisme en tant que régime alimentaire rationnel), publié en 1910.
Il y soutient que l’anatomie comparée, mais aussi la physiologie, la nutrition et les sciences sociales démontrent que l’humain est adapté à un régime sans chair et que la viande est dangereuse et inutile [3][4]. Le régime qu’il recommande se compose de légumes, d’œufs et de lait [5]. Dans un article intitulé « Végétarisme » et publié deux ans plus tard, il expliquera que « Il n’est pas illogique pour les végétariens d’utiliser le lait et les œufs, car ces produits animaux sont nettement moins toxiques que la viande et aussi moins susceptibles d’être porteurs de maladies. Ils sont obtenus avec un minimum de souffrance de la part des animaux qui nous les fournissent » [6]. J. L. Buttner met en avant la viabilité du végétarisme, mais aussi des vertus supposées contre différentes maladies (goutte, rhumatismes, maladies de peau, etc.).
L’ouvrage évoque l’arrêt complet de la consommation de viande, mais la définition que J. L. Buttner donne du végétarisme correspond à celle utilisée aujourd’hui pour désigner le flexitarisme :
À toutes fins utiles, le végétarien est celui qui ne consomme pas habituellement d’aliments carnés, contrairement au consommateur standard.
J. L. Buttner, A Fleshless Diet, 1910
Cet ouvrage a fait l’objet d’une large critique dans les revues médicales, avec des réactions mitigées. Si la rigueur formelle est saluée, le fond ne convainc pas tout le monde !
Le Medical Standard a noté que J. L. Buttner a « réussi à présenter un cas beaucoup plus rationnel et scientifique en faveur d’un régime végétal que la plupart de ceux qui ont fait cette tentative jusqu’à présent » [7] et le Journal of the American Medical Association a recommandé le livre comme « ouvrage de référence, que l’on accepte ou non les conclusions de l’auteur » [8]. L’American Journal of Clinical Medicine a également publié une critique positive, qualifiant le livre d' »argument très raisonnable et crédible contre la consommation de viande » [9].
Si la rigueur du traitement pouvait régler la question, nous devrions tous être végétariens après avoir lu ce livre tant il est complet.
Anonyme, journal of the American Medical Association, 22 avril 1911 [10]
L’American Physical Education Review et le Medical Era ont été plus critiques, allant jusqu’à suggérer que « le Dr Buttner a corrélé les arguments habituels en faveur d’un régime végétal, mais n’a pas réussi à montrer une quelconque base scientifique pour les conclusions qu’il tire » [11]. Une critique dans le Yale Medical Journal conclut que « nous ne sommes pas d’accord que l’abstinence totale d’aliments de chair produira les résultats bénéfiques qu’il soutient » [12].
L’approche scientifique en faveur des alimentations majoritairement végétales est analysée avec un œil particulièrement critique. De nombreuses publications récentes se heurtent ainsi aux mêmes critiques que celles auxquelles J. L. Buttner s’est heurté lui-même plus d’un siècle auparavant : la faisabilité d’une végétalisation partielle ou complète de son alimentation est un sujet, et les avantages d’une telle végétalisation en sont un autre… Si le premier est communément accepté, le second doit être appréhendé avec plus de précautions.
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Notes et références
↵1 | Yale Alumni Weekly, 1909, p. 1061 |
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↵2 | Journal of the American Medical Association 64 (17), The Metabolism of Vegetarians, 1915, p. 1425 |
↵3 | E. B. (1910). A Fleshless Diet: Vegetarianism as a Rational Dietary. American Physical Education Review 16: 352. |
↵4 | Anonyme. (1911). A Fleshless Diet: Vegetarianism as a Rational Dietary. Life and Health: The National Health Magazine 26 (2): 123. |
↵5 | Buttner, J. L. A Fleshless Diet. A List of Books and References to Periodicals in the Seattle Public Library. p. 18 |
↵6 | Buttner JL. Vegetarianism. JAMA. 1912;LVIII(22):1705. doi:10.1001/jama.1912.04260060054027 |
↵7 | Anonyme. (1910). A Fleshless Diet: Vegetarianism as a Rational Dietary. The Medical Standard 33 (11): 422. |
↵8 | A Fleshless Diet. Vegetarianism as a Rational Dietary. JAMA. 1911;LVI(16):1220. doi:10.1001/JAMA.1911.02560160062042 |
↵9 | Anonyme. (1911). A Fleshless Diet: Vegetarianism as a Rational Dietary. The American Journal of Clinical Medicine 18 (3): 344. |
↵10 | A Fleshless Diet. Vegetarianism as a Rational Dietary. JAMA. 1911;LVI(16):1220. doi:10.1001/JAMA.1911.02560160062042 |
↵11 | Anonyme. (1912). Vegetables vs. Mixed Diets. The Medical Era 21: 52. |
↵12 | L. M. G. (1910). A Fleshless Diet: Vegetarianism as a Rational Dietary. Yale Medical Journal 17: 279-280. |