Lewis Gompertz fut un pionnier qui apporta des contributions révolutionnaires au plaidoyer animaliste et à la philosophie morale. Son ouvrage « Moral Inquiries » est considéré comme le livre d’éthique animale le plus important du 19e siècle.
Lewis Gompertz
Lewis Gompertz était un écrivain et inventeur anglais, pionnier de l’éthique animale et du militantisme animaliste. En 1824, il compte parmi les fondateurs de la Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals (RSPCA), la première organisation de protection animale créée dans le monde. Après avoir quitté la RSPCA, il crée en 1832 avec le scientifique Thomas Forster la Animals’ Friend Society qui œuvra jusqu’en 1846 à la défense des animaux au Royaume-Uni.
Visionnaire, Lewis Gompertz affirmait déjà, il y a deux siècles, que notre considération morale devait s’étendre à l’ensemble des êtres sentients. Selon lui, c’est la capacité à souffrir, plutôt que l’intelligence ou la ressemblance avec l’humain, qui doit fonder la prise en compte des intérêts d’un individu, en particulier lorsqu’il s’agit d’êtres plus vulnérables que nous.
Conscient que la transformation morale devait s’accompagner de progrès matériels, il s’attacha également à concevoir des inventions réduisant la dépendance humaine aux animaux. On peut notamment citer ses contributions à l’amélioration du vélo 1 afin de diminuer le recours aux chevaux pour les déplacements.
Moral Inquiries
Publié en 1824, l’ouvrage majeur de Lewis Gompertz, « Moral Inquiries on the Situation of Man and of Brutes » (« Questions morales sur la situation de l’Homme et des bêtes »), constitue la première défense systématique du véganisme et de l’antispécisme 2. Il aborde également d’autres questions novatrices pour son temps : la souffrance des animaux à l’état sauvage, ainsi que la nécessité de bâtir des sociétés plus justes et égalitaires entre les hommes et les femmes.
Opposé à toutes les formes d’exploitation animale, Lewis Gompertz plaide en faveur du véganisme et critique sans détour la consommation de viande, de lait, d’œufs, de soie, de cuir, la vivisection et la souffrance des chevaux qui tirent les carrioles.
En 1852, il publie un second ouvrage consacré à l’éthique animale, « Fragments in defence of animals, and essays on morals, soul, and future state » (« Fragments pour la défense des animaux, et essais sur la morale, l’âme et la situation future ») 3, dans lequel il prolonge et approfondit les réflexions développées dans « Moral Inquiries » trois décennies plus tôt.
Trop en avance sur son temps, Lewis Gompertz restera injustement méconnu, et « Moral Inquiries » ne rencontrera que peu d’écho. L’ouvrage fut redécouvert lors de sa réédition en 1992 par Centaur Press, une maison américaine spécialisée dans la réédition d’ouvrages oubliés 4, accompagnée d’une préface de Peter Singer qui contribua à le replacer au cœur de l’histoire de la pensée antispéciste.
Il ne faut guère de talent rhétorique pour prouver qu’il est hautement répréhensible de torturer les animaux pour se divertir : mais il semble étrange que ce principe évident soit ouvertement violé non seulement par des hommes dont le rang social les a privés d’une bonne éducation ou du loisir de réfléchir, mais également par ceux qui n’ont ménagé ni leurs efforts ni leurs dépenses pour développer leurs capacités intellectuelles jusque dans les domaines les plus abstraits, et qui, à d’autres égards, se réjouissent d’appliquer leurs talents à tout ce qui est bon et méritoire.
Lewis Gompertz, Moral Inquiries on the Situation of Man and of Brutes, 1824 5.
Consulter la réédition de 1992 préfacée par Peter Singer.
Consulter la réédition de 2024 éditée par Animal Ethics (PDF).
Notes et références
- Animal Ethics, Animal Ethics republishes Lewis Gompertz’s book Moral inquiries and it’s now free to download on its 200th anniversary, 26 décembre 2024 [archive].
- Dans « Les Droits de l’animal considérés dans leur rapport avec le progrès social », publié en 1892, c’est « Moral Inquiries » que Henry Stephens Slat prend en exemple lorsqu’il veut illustrer les travaux antérieurs aux siens sur la remise en question de l’exploitation animale.
- Lewis Gompertz, Fragments in defence of animals, and essays on morals, soul, and future state, 1852, Londres: W. Horsell.
- The Telegraph, Jon Wynne-Tyson, publisher of varied interests who founded Centaur Press – obituary, 21 mai 2020 [archive].
- Texte original, chapitre 1 : « It needs but little power of rhetoric to prove that it is highly culpable in man to torture the brute creation for amusement: but strange it would seem this self-evident principle is not only openly violated by men, whose rank in life has denied them the benefit of good education or leisure for reflection, but also by those with whom neither expense nor trouble has been spared towards the formation of their intellectual powers, even in their most abstracted recesses; and who in other respects delight in the application of their abilities towards everything that is good and meritorious ».
