Le végétarisme est vu comme une idéologie alors que la consommation de viande, en tant que culture dominante, n’est pas désignée comme telle. Le carnisme vient nommer le système de croyances soutenant le choix de tuer et consommer des animaux.
La langue
Le langage est un outil puissant qui reflète et façonne notre culture, nos valeurs et nos croyances. Comme en témoignent les évolutions de la langue qui ont accompagné et soutenu le mouvement des droits civiques et l’émancipation des femmes (féminisation des noms de métiers, etc.), les mots que nous utilisons peuvent soit remettre en question soit soutenir le statu quo.
Les mots sont à la fois des révélateurs des constructions sociales qui régissent nos sociétés et des outils servants à « camoufler la violence » de certains actes en les minimisant ou, pire encore, en ne les nommant pas. Ainsi, la psychologue sociale 1 et militante en faveur du droit des animaux Melanie Joy remarque que « la production et la consommation de viande, forme la plus étendue et la plus largement soutenue d’exploitation des animaux non humains, reste une idéologie sans nom ».
Pour y remédier, elle créé un nouveau mot visant à désigner le système de croyances qui sous-tend les actes de production et de consommation de viande afin de souligner qu’ils ne sont pas une évidence mais un choix.
Le carnisme
Le mot « carnisme » apparaît pour la première fois dans l’article de Melanie Joy « From Carnivore to Carnist: Liberating the Language of Meat » paru sur le site du magazine Satya le 26 septembre 2001 2.
Cet article insiste sur le fait que la consommation de viande, bien que culturellement dominante, n’est que le reflet d’un choix et qu’il est bel et bien possible de penser des alternatives. Melanie Joy y réfute le qualificatif de « carnivore » que les mangeurs de viande utilisent souvent pour se désigner, car ce terme suggère « une prédisposition biologique à la chair, alors que la consommation de viande à grande échelle n’est pas une nécessité physiologique mais un choix idéologique ». Aucun des termes « carnivore » et « omnivore » n’expriment les convictions idéologiques qui sous-tendent ces comportements, c’est là qu’intervient le carnisme.
Melanie Joy développera le concept du carnisme dans sa thèse de doctorat consacrée au sujet en 2003 3 puis dans son livre « Introduction au carnisme : pourquoi aimer les chiens, manger les cochons et se vêtir de vaches » paru en 2009.
La désignation du carnisme est un nouveau pas vers la libération des animaux non humains ; elle permet au végétarisme de remettre en question non seulement la pratique de la production et de la consommation de viande, mais aussi l’idéologie sur laquelle reposent ces actes.
Melanie Joy, From Carnivore to Carnist: Liberating the Language of Meat, 2001.
Notes et références
- La psychologie sociale s’intéresse aux processus mentaux impliqués dans les comportements humains liés aux interactions sociales.
- Satya, From Carnivore to Carnist: Liberating the Language of Meat, Melanie Joy, 26 septembre 2001 [archive].
- Melanie Joy, Psychic numbing and meat consumption : the psychology of carnism, 2003.