John Howard Moore (4 décembre 1862 – 17 juin 1916) était un zoologiste, philosophe et socialiste américain. Fils d’un fermier du Missouri, il a été professeur de zoologie et d’éthique à la Crane Training High School de Chicago, un ardent défenseur d’un traitement éthique des animaux et un membre important de la Chicago Vegetarian Society [1].
Devenu végétarien en 1886 [2], il est l’auteur de plusieurs livres, essais et brochures sur l’éthique animale, le végétarisme, l’histoire de l’évolution et l’humanitarisme [3]. Son premier pamphlet, « Pourquoi je suis végétarien » (Why I Am a Vegetarian), paraît en 1895. Il est basé sur une conférence présentée devant la Chicago Vegetarian Society et porte principalement sur les avantages d’une alimentation végétale, ainsi que sur ses opinions sur les avancées du mouvement de défense des droits des animaux.
Moore y écrit qu’il est végétarien car, selon lui :
L’éthique actuelle est fondée sur cette illusion puérile, pré-Darwinienne, que toutes les autres sortes de créatures et tous les mondes ont été créés explicitement pour l’espèce hominine. Le végétarisme est le corollaire éthique de l’évolution qui nous a appris la parenté de toutes les créatures.
John Howard Moore, Why I Am a Vegetarian, 1895, p. 19-20
Rapidement, sa réflexion se fera plus acerbe sur le comportement des humains et les points aveugles de leur morale :
La nature humaine n’est nulle part aussi hideuse et la conscience humaine n’est nulle part aussi profondément endormie que dans son mépris impitoyable pour la vie et le bonheur du monde animal non humain.
John Howard Moore, The Unconscious Holocaust, 1897
En 1906, il publie son ouvrage majeur « La parenté universelle » (The Universal Kinship), qui plaide en faveur d’une philosophie sentiocentrée, appelée « parenté universelle ». Cette philosophie impose la considération et le traitement éthiques de tous les êtres sentients sur la base des principes darwiniens de parenté évolutionnaire, et une application universelle de la Règle d’or comme cadre éthique pour le traitement de tous les êtres sentients [4].
Défiant directement l’anthropocentrisme, John Howard Moore insiste sur la reconnaissance d’une parenté (et donc de droits communs) entre les humains et les animaux non humains dans trois grandes sections : physique, psychique et éthique.
Moore soutient que c’est l’arrogance qui empêche les humains de reconnaître leur parenté avec les animaux non humains et de les maltraiter gravement. Il critique l’anthropocentrisme des êtres humains : « [nous pensons] à nos actes envers les peuples non humains […] entièrement du point de vue humain. Nous ne prenons jamais le temps de nous mettre à la place de nos victimes » [5] et évoque les abus découlant d’un « préjugé diviseur » aujourd’hui plus connu sous le nom de « spécisme ».
Moore affirme que l’exploitation, le fait de considérer les autres êtres comme des moyens et non comme des fins, était le seul et le plus grand crime de l’univers, et qu’elle avait été pratiquée tout au long de l’histoire de la vie, tous les autres crimes en découlant [6]. Il soutient également que les animaux ont « les mêmes droits généraux à la vie et au bonheur que nous-mêmes » [7] et que nous devrions, de la même façon, chercher à maximiser leur bonheur et à minimiser leur souffrance de manière utilitariste.
L’ouvrage, accueilli favorablement à sa sortie et soutenu par plusieurs auteurs comme Henry Stephens Salt, Mark Twain et Jack London, constitue une contribution majeure à la tâche consistant à mettre « la science et l’humanitarisme à la place de la tradition et de la sauvagerie ». Il se conclu sur les mots PAIX, JUSTICE et SOLIDARITÉ, en majuscules.
Dans la préface, Moore résume sa pensée ainsi :
La parenté universelle signifie la parenté de tous les habitants de la planète Terre. Qu’ils soient venus au monde dans les eaux ou dans les sables du désert, dans un trou dans la terre, dans la cavité d’un arbre ou dans un palais, qu’ils construisent des nids ou des empires, qu’ils nagent, volent, rampent ou marchent, et qu’ils en ait conscience ou non, ils sont tous liés physiquement, mentalement et moralement – telle est la thèse de ce livre.
Howard Moore, The Universal Kinship, 1906
Dix ans plus tard, le 17 juin 1916, John Howard Moore se suicide à l’âge de 53 ans par arme à feu sur l’île boisée et peuplée de nombreux oiseaux de Jackson Park, à Chicago. Il luttait depuis de nombreuses années contre une longue maladie et des douleurs chroniques dues à une opération de l’abdomen. Il se disait également affaibli et découragé par une conscience incessante des souffrances endurés par tous les êtres vivants, conscience qui se heurtait à la grande indifférence des humains face aux tourments de leurs congénères [8].
Vous pouvez consulter l’intégralité de l’édition originale de « The Universal Kinship » au format PDF en cliquant ici.
Notes et références
↵1 | Iacobbo, Karen; Iacobbo, Michael (2004), Vegetarian America: A History, Greenwood Publishing Group, ISBN 9780275975197, p. 120 |
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↵2 | Chicago Daily Tribune Staff (20 September 1896), Live on a frugal diet. Development of a real vegetarian community in Chicago, Chicago Daily Tribune |
↵3 | L’humanitarisme est l’idée que les humains devraient être bienveillants et fournir une assistance aux autres humains dans un objectif commun de réduction des souffrances et d’amélioration des conditions de vie de l’humanité. |
↵4 | La Règle d’or est une forme de morale universelle basée sur l’éthique de réciprocité dont le principe fondamental est énoncé dans presque toutes les grandes religions et cultures : « Traite les autres comme tu voudrais être traité » ou « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse ». |
↵5 | Moore, J. Howard (1906). The Universal Kinship. Chicago: Charles H. Kerr & Co., p. 304 |
↵6 | Moore, J. Howard (1906). The Universal Kinship. Chicago: Charles H. Kerr & Co., p. 276-277 |
↵7 | Moore, J. Howard (1906). The Universal Kinship. Chicago: Charles H. Kerr & Co., p. 324 |
↵8 | Unti, Bernard (January 1, 2002), The Quality of Mercy: Organized Animal Protection in the United States 1866-1930, Animal Welfare Collection. 40: 385–388. |