S’il est impossible de remonter aux origines des laits végétaux, c’est dans un célèbre ouvrage médiéval arabe du XIIIe siècle qu’on en trouve les premières mentions. Cela illustre la diversité culinaire de l’époque et le caractère traditionnel de ces laits.
Le Kitab al-Ṭabīḫ
La plus ancienne mention écrite connue d’un lait d’origine végétale remonte à l’année 1226, dans le Kitab al-Ṭabīḫ (Livre de cuisine), un important livre de cuisine arabe médiéval du scribe Muhammad bin Hasan al-Baghdadi (? – 1239) 1. On y trouve plusieurs références à l’amandier, déjà cultivé au Proche-Orient, et à la préparation du lait d’amande qui est utilisé dans plusieurs recettes.
Rédigé à la fin de la dynastie des Abbassides (qui s’étendit de 750, lorsqu’ils succèdent aux Omeyyades, jusqu’à la chute de Bagdad face à l’armée mongole en 1258), ce livre témoigne de la diversité des mets proposés et de l’opulence des banquets servis à la cour des califes de Bagdad au XIIIe siècle, reflet de l’âge d’or de la civilisation arabo-musulmane.
Les « amandes douces » sont utilisées tout au long du Kitab al-Ṭabīḫ ; elles sont souvent pelées, finement hachées ou moulues, puis trempées dans l’eau. Dans plusieurs recettes, elles sont « traites » ou transformées en lait : « Pelez les amandes douces et broyez-les, puis mélangez-les avec un peu d’eau : parfumez [la recette] à votre goût avec le lait de l’amande », « Prendre une portion d’amandes douces, les peler, les broyer finement, les mélanger à de l’eau, et les ajouter à la casserole pour faire un bouillon de lait d’amande ».
Développement en Occident
Il faudra attendre 1390 2, plus d’un siècle et demi plus tard, pour voir apparaître la première mention écrite du lait d’amande en langue anglaise, dans « The Forme of Cury » (Technique de cuisine, « cury » venant du moyen français « cuire »), un vaste recueil de recettes anglaises médiévales du XIVe siècle rédigé par les maîtres queux 3 du roi Richard II d’Angleterre. Le lait d’amande sera plébiscité en Europe pendant le Carême 4 et deviendra le premier lait d’origine non animale à connaître une certaine popularité en Occident.
Après une première traduction en turc au XVIe siècle qui lui assura une certaine notoriété 5, le Kitab al-Ṭabīḫ a été redécouvert et publié par l’universitaire irakien Dāwūd al-Chalabī en 1937. Puis, l’orientaliste Arthur John Arberry en proposa une traduction anglaise dans la revue Islamic Culture en 1939 6, avant de publier l’ouvrage sous le titre « A Baghdad Cookery Book » la même année 7.
Notes et références
- William Shurtleff & Akiko Aoyagi, History of Soymilk and Other Non-Dairy Milks (1226-2013), 2013, Soy Info Center, ISBN 978-1-928914-58-7.
- William Shurtleff & Akiko Aoyagi, History of Soymilk and Other Non-Dairy Milks (1226-2013), 2013, Soy Info Center, ISBN 978-1-928914-58-7.
- Chef cuisinier dans une grande maison ou dans un château.
- Le cuisinier français Guillaume Tirel, dans son livre le « Viandier » de la fin du XIVe siècle (le livre de cuisine français le plus célèbre du Moyen Âge), donne une recette de lait d’amande et recommande son utilisation comme substitut au lait d’origine animale pendant les jours de jeûne.
- al-Muẓaffar ibn Naṣr Ibn Sayyār al-Warrāq, Nawal Nasrallah, Annals of the caliphs’ kitchens: Ibn Sayyār al-Warrāq’s tenth-century Baghdadi cookbook, BRILL, 2007, ISBN 9789004158672, p. 22.
- Islamic Culture, vol.13, janvier 1939, p. 21.
- Le livre a ensuite été réédité par Prospect Books en 2001 sous le titre « Medieval Arab Cookery ».