C’est dans la petite ville de Madison, à une quinzaine de kilomètres au nord de Nashville (Tennessee), que se trouvait l’une des écoles les plus innovantes des États-Unis : l’Institut normal agricole de Nashville, qui deviendra le Madison College en 1937 [1]. Fondée en 1904 par E.A. Sutherland, membre de l’Église adventiste du septième jour, l’école cultivait du soja et, dès 1918, hébergeait une usine pour la mise en conserve de plusieurs produits issus de ces cultures [2].
Cette usine appartenait à l’entreprise « Nashville Sanitarium – Food Factory » (qui deviendra Madison Foods) et était gérée en grande partie par les étudiants de l’école. Elle ne fabriquait que des produits alimentaires à base de végétaux qu’elle vendait dans tous les États-Unis et dans plusieurs pays étrangers. Dès 1922, deux produits en conserve figuraient au catalogue : de la viande de soja (Soybean meat), le premier analogue de viande à base de soja aux États-Unis, et des haricots de soja.
Madison Foods – une entreprise qui a largement contribué à rendre le soja attractif pour les Américains.
Reader’s Digest, Mai 1938 [3]
Grâce aux efforts de Miss Frances Dittes [4] (chargée du développement de recettes et de la recherche nutritionnelle) et de Perry Webber (chargé du développement de nouveaux produits), l’intérêt pour les aliments à base de soja augmente fortement à partir de 1929. Dès le mois de mai, du lait de soja frais et du tofu étaient servis occasionnellement au réfectoire et au Sanitarium de Nashville [5] et le lait de soja était utilisé à la place de l’eau pour la fabrication de certains pains. On peut lire dans le journal hebdomadaire de l’école que :
Nous commençons tout juste à découvrir la véritable valeur pour l’être humain de cette légumineuse importée d’Asie. Le soja et les noix fourniront tout ce que nous obtenions jusqu’à présent du lait et des aliments à base de chair.
The Madison Survey, 15 Mai 1929 [6]
Madison Foods est reconnue comme une entreprise visionnaire pour avoir été la première à développer une gamme complète d’aliments à base de soja et, surtout, à chercher à les présenter d’une manière qui correspondait aux habitudes des Américains. Ainsi, en octobre 1937, Madison Foods commercialise dans sa cafétéria végétarienne et son magasin d’alimentation le premier hamburger sans viande du monde : le Soy-Burger [7].
Fabriqué aux États-Unis, le Soy-Burger est proposé avec un steak végétal cuisiné à partir d’okara [8], de gluten de blé, de farine d’arachide crue, de pâte de tomate et de différents assaisonnements végétaux. Il affichait un taux de protéines de 12,5 %. Rebaptisé Zoyburger en 1939, la recette de son steak végétal servira de modèle pour les steaks végétaux qui suivirent, à commencer par celui du Choplet-Burger, lancé en février 1945 par Special Foods à Worthington (Ohio), le deuxième plus ancien hamburger sans viande commercialisé aux États-Unis [9].
Notes et références
↵1 | Don F. Neufeld, Seventh-Day Adventist Encyclopedia, 1 juin 1976, p. 827-32 |
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↵2 | Sandborn. 1953. The History of Madison College. p. 168; Gish & Christman. 1979. Madison: God’s Beautiful Farm. p. 11-21. |
↵3 | Life and Health, The National Health Journal, 1er juillet 1938, p. 18 |
↵4 | En mai 1935, après avoir fréquenté les universités de Columbia et de Cornell, Miss Frances Dittes obtient un doctorat en nutrition du Peabody College. Elle est la première adventiste à obtenir un doctorat en nutrition et elle prendra la tête du programme de nutrition que l’école commença à proposer dès l’automne 1935. |
↵5 | Un sanatorium désignait un hôpital pour les soldats mutilés ou les malades atteints de la tuberculose, le Dr John Harvey Kellogg eu l’idée de transformer le nom en « Sanitarium » pour désigner un centre hospitalier d’enseignement et de restauration sanitaire où « les gens apprennent à être en bonne santé ». |
↵6 | William Shurtleff & Akiko Aoyagi, Madison College and Madison Foods: Work with Soy, 2004 |
↵7 | William Shurtleff & Akiko Aoyagi, History of Soybeans and Soyfoods in Tennessee (1854-2017), 2017, Soy Info Center, ISBN 978-1-928914-92-1 |
↵8 | L’okara, ou pulpe de soja, est une pulpe constituée de résidus insolubles de soja résultant de la fabrication de lait de soja et de tofu. |
↵9 | William Shurtleff & Akiko Aoyagi, History of meat alternatives (965 CE to 2014): extensively annotated bibliography and sourcebook, 2014, Soy Info Center, ISBN 9781928914716 |