Changement de paradigme, Florence Burgat ne nous parle plus seulement de viande, mais bien du sort réservé aux animaux élevés pour la consommation humaine.
À propos de Florence Burgat
Florence Burgat est une philosophe française, directrice de recherche à l’INRAE. Elle est l’autrice de plusieurs ouvrages fondateurs et incontournables sur la question animale parmi lesquels on peut citer, « Animal mon prochain » (Odile Jacob, 1997), couronné par le prix Biguet de l’Académie française en 1997 [1], « Liberté et inquiétude de la vie animale » (Kimé, 2006) ou encore « L’Humanité carnivore » (Seuil, 2017).
En centrant son travail sur les animaux en eux-mêmes, Florence Burgat cherche à leur redonner une vie, une chair, une histoire, un monde et des relations : tout ce dont la philosophie les a historiquement privés. Articulé autour de l’impensé de la mise à mort et de l’interrogation du rapport essentiellement violent de l’humain à l’animal, son œuvre tente de refonder l’éthique de nos rapports aux animaux par l’ontologie, c’est-à-dire par l’étude des propriétés et du sens de l' »être ».
Après un doctorat de philosophie obtenu en 1994 sur le thème « De l’oubli à la réification : réflexion sur la différence entre l’homme et l’animal » [2][3], elle publie son premier livre, « L’animal dans les pratiques de consommation », chez les prestigieuses Presses Universitaires de France (PUF) l’année suivante.
De la viande… aux animaux
Dans la collection « Que sais-je ? » des PUF, « L’animal dans les pratiques de consommation » vient remplacer le n° 374, écrit par l’ingénieur agronome Henry Rouy, initialement paru en 1950 et réédité en 1967, alors intitulé « La viande ».
Changement de paradigme, Florence Burgat ne nous parle plus seulement de viande, mais bien du sort réservé aux animaux élevés pour la consommation humaine. En trois grandes parties (l’animal vivant, la mise à mort, la viande), elle expose, sous l’angle économique, la totalité du processus par lequel l’animal destiné à la boucherie est préparé et transformé à cette fin, les « moments » par lequel l’animal devient un produit consommable éloigné de son processus d’engendrement.
Au-delà des chiffres clés et des descriptions centrées sur les animaux dits de boucherie, de charcuterie, de basse-cour et le gibier d’élevage en France (la chasse et la pêche ne sont pas abordées), Florence Burgat dévoile le sort des animaux élevés pour la consommation humaine et les représentations sociales qui affectent l’alimentation carnée. Comment, dès lors, ne plus voir la réalité : nous ne consommons pas de viande, nous consommons des animaux.
Sans que la consommation carnée soit remise en question par l’opinion publique, nul cependant ne souhaite faire la généalogie du morceau de viande qui se trouve dans son assiette, suffisamment abstrait pour que l’on oublie l’animal. Aussi mangeons-nous du bœuf ou du mouton, comme si la viande était un continuum de chair étranger à l’individualité animale. La logique de la série prend ici le pas sur celle du propre. Un éventuel sentiment de culpabilité est ainsi évité dans la dilution des responsabilités : il n’y a ni coupable, ni victime.
Florence Burgat, « L’animal dans les pratiques de consommation », 1995, Introduction.
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Notes et références
↵1 | Académie française, Les prix et fondations, Prix Biguet. Consulté le 19 septembre 2022. |
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↵2 | Burgat F. Beaune J.-C. & Université Jean Moulin (Lyon). (1994). De l’oubli à la réification : réflexion sur la différence entre l’homme et l’animal (dissertation). |
↵3 | En philosophie, la réification est la transformation, la transposition d’une abstraction en objet concret, en chose. |