1er janvier 1983 – Publication de « Les droits des animaux » de Tom Regan

1975 – 1999, États-Unis, Livres, Philosophie

Dans cet ouvrage majeur de la théorie des droits des animaux, le philosophe Tom Regan développe l’idée selon laquelle certains d’animaux non humains sont « sujets-d’une-vie », ce qui implique qu’il possèdent une « valeur inhérente » et donc des droits moraux.

Présentation

Tom Regan (1938-2017) était un philosophe américain, professeur émérite de l’université d’État de Caroline du Nord où il a enseigné toute sa carrière.

Dans « Les droits des animaux » (The Case for Animal Rights), il présente dans un premier temps les questionnements philosophiques contemporains autour de la conscience animale et défend l’attribution d’une conscience a certains animaux, puis en explore la complexité. Les animaux concernés sont en premier lieu les mammifères, mais également les oiseaux et « peut-être aussi » les poissons, par principe de précaution, des études scientifiques allant dans ce sens.

Il passe ensuite en revue les positions de différentes théories éthiques vis-à-vis des animaux, dont aucune ne trouve grâce à ces yeux. Toutes sont jugées inaptes, à divers degrés, à défendre les intérêts des animaux de manière adéquate. Il s’oppose à toutes les théories ne reconnaissant aucun devoir direct envers les animaux : de l’égoïsme rationnel de Naverson au contractualisme de Rawls en passant par l’impératif catégorique kantien, en arguant de leur arbitraire moral commun.

Toutes ces théories ont en effet en commun de ne reconnaître de devoirs qu’envers les seuls agents moraux, doués de discernement moral ; niant tout devoir envers les patients moraux, parmi lesquels les animaux, les nourrissons, etc., pourtant tout autant susceptibles de subir des dommages.

Concernant l’utilitarisme de Singer, Regan lui reproche de n’accorder de valeur qu’aux expériences vécues, et non aux individus eux-mêmes. En découle, selon lui, une justification trop aisée de l’infliction de dommages à ces derniers. Pour remédier à cela, il postule, sur le modèle de la « valeur intrinsèque » de Kant, une « valeur inhérente » des individus, ces derniers devant alors être traités comme une fin en soi et jamais comme de simples moyens pour une fin.

Regan s’éloigne cependant radicalement de Kant en proposant d’attribuer cette valeur inhérente à certains animaux (et pas seulement aux humains) sur la base d’un critère qu’il nomme « sujet-d’une-vie ». Ces animaux « sujets-d’une-vie » sont caractérisés par le fait d’être sujets d’expériences qui leur importent en eux-même, indépendamment de leur intérêt ou utilité pour autrui. Ce critère n’est cependant entendu que comme suffisant, et non nécessaire. Si tous les individus « sujets-d’une vie » doivent se voir reconnaître d’une valeur inhérente, Regan n’exclue pas que celle-ci puisse être étendue à des individus ne répondant pas à ce critère.

Cette valeur inhérente sert de base à l’attribution d’un ensemble de droits moraux, parmi lesquels deux droits fondamentaux :

  • Le droit au respect : le droit à ne pas être traité simplement comme un moyen, mais toujours comme une fin
  • Le droit de ne pas subir de dommage : cela inclut les dommages causés par infliction de douleur et les dommages causés par privation, cette dernière impliquant la perte d’une ou plusieurs sources de satisfaction d’un individu (privation d’espace, de nourriture, de la vie, etc.)

Ces droits se dressent comme un véritable rempart protecteur autour des individus, là où l’approche utilitariste de Singer permet d’envisager de contrevenir aux intérêts d’un individu s’il en résulte des conséquences globalement positives. La théorie proposée par Regan est donc déontologique : le choix moral n’est pas dicté par la seule obtention des meilleures conséquences.

Cette opposition structurelle est parfaitement illustrée dans le dernier chapitre de l’ouvrage, portant sur les implications de la théorie des droits, et plus particulièrement lors du traitement de l’expérimentation animale. Là où Singer la considère acceptable à condition que les bénéfices retirés excèdent les torts infligés aux animaux, Regan écarte entièrement la possibilité d’enfreindre les droits d’un « sujet-d’une-vie », et ce quelles qu’en soient les conséquences pour le plus grand nombre.